1964 : la CFTC évolue vers la CFDT

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Le Congrès Confédéral des 6-7 Novembre 1964 constitue un évènement majeur de l’histoire syndicale, terme d’une longue évolution de la CFTC,  conduite par la minorité active « Reconstruction », vers la CFDT.

Les débats dans le Nord et dans le Pas-de-Calais : découvrez les positionnements et ce qui a fait débat dans le Nord et dans le Pas-de-Calais avant et après le congrès de l’évolution de 1964 qui a marqué la création de la CFDT.

 

Le regard de l’historien Frank Georgi  (VIDEO) : Franck Georgi est historien, et auteur du livre ” CFDT : l’ identité en question”. Il livre ici son regard d’historien sur cette période.

Des militantes et militants de la région se souviennent de cette période : issus de professions et de localités différentes, ils témoignent, avec du recul, de la façon dont l’évolution a été ressentie dans le Nord-Pas de Calais.

 

Madeleine Singer (SGEN – académie)
« Pour une évolution moins brutale »
Dès 1962, 77% des congressistes du Sgen étaient favorables à la déconfessionnalisation. Mais le SGEN n’a pas eu, en 1964, l’initiative de déconfessionnalisation. D’autres fédérations, comme la chimie, ont pris les devants.
Au SGEN, nous étions nombreux à souhaiter une évolution moins brutale. Paul Vignaux aurait préféré un abandon progressif de l’étiquette, par instances ; des syndicats auraient pu s’appeler encore CFTC alors que la Confédération aurait déjà changé de sigle. Mais la comme la Confédération opta pour une rédaction entièrement nouvelle, le SGEN prit sa part du travail commun, proposant des amendements au texte initial, amendements qui seront largement repris.

Charles Lantoine (mineur – Douai)
« Une période invivable ! »
J’étais un des piliers de Reconstruction, ici dans le Nord. Nous avions des réunions à Paris, dans lesquelles on essayait d’imaginer un syndicalisme plus ouvert et sans référence chrétienne et qui puisse briser le monopole de la CGT.
Avec l’Union Locale de Douai, les rapports étaient difficiles…. La période est devenue proprement invivable. Le problème, c’étaient les mineurs qui avaient la moitié des mandats…. Au Congrès à Paris, j’étais chargé de signaler à un membre de la Commission Exécutive les délégués du Nord, qui étaient pour changer CFTC en CFDT. Sauty (le responsable des mineurs) m’a insulté, il avait repéré mon jeu..

Edmond Bailleul (Métallurgie – Lille)
« On a évité une trop grande cassure ! »
L’évolution ne s’est pas faite en un jour, mais progressivement. On peut dire que, de 1960 à 1964, différentes réflexions, positions de congrès, déclarations nous ont amenés au congrès extraordinaire de 1964. Cela n’a pas été simple, les anciens ne comprenant pas le pourquoi de cette évolution, certains y étant farouchement opposés.
1964 a provoqué quelques déchirures notamment dans notre région. Mais le souci qu’ont eu les responsables de reconnaître les valeurs dans l’élaboration des nouveaux statuts a fortement contribué à éviter une trop grande cassure…

Michel Féquant (EDF-GDF – Boulogne)
« On a fait ce qui fallait pour préparer »
A Boulogne, nous n’avons pas eu tellement de problèmes parce que nous avions fait ce qu’il fallait pour préparer le congrès de l’évolution. Les cheminots avaient élaboré un questionnaire demandant à tous leurs adhérents s’ils souhaitaient rester CFTC ou s’ils préféraient évoluer en fonction des changements du monde. Les cheminots ont répondu favorablement à l’évolution. Nous avons pris exemple sur cette expérience pour la généraliser à tous les syndicats de l’Union Locale.

Robert Tonnoir (Valenciennes)
« Le choix : dans mon salon ! »
Pour le Valenciennois, le choix s’est fait dans mon salon, où étaient réunis dix dirigeants. 2 étaient opposés à l’évolution, mais n’ont rien fait pour la suite. La base se désintéressait du débat parce qu’ici, dans la zone industrielle, il n’y avait pas d’élite intellectuelle !

Stanis Gora (Bâtiment – Douai)
« Du mal à comprendre pourquoi certains restaient à la CFTC ! »
J’avais connaissance des réflexions de Reconstruction. Dans le milieu du bâtiment que je côtoyais, il n’y avait pas que des chrétiens… J’ai eu du mal à comprendre pourquoi certains restaient à la CFTC : la foi n’avait rien à voir là-dedans ! La chimie et les mineurs sont restés, dans leur majorité, à la CFTC. J’ai ressenti une coupure dans l’administration commune : les fichiers partaient à droite, à gauche, et une coupure avec les militants. Mais nous nous sommes donnés de nouvelles bases de travail, avec plus de démocratie.

Renée Lambert (Textile – Lille)
« Nous avons bien ri ! »
Au congrès fédéral de 1964 à Tourcoing, la majorité de notre secteur s’est prononcée pour l’évolution, après des discussions en profondeur où tout le monde s’était exprimé largement. J’étais présente au Congrès de Paris sur l’évolution. Il a fallu faire des séances de nuit. Je me souviens d’un intervenant pour le maintien du « C » qui avait terminé son intervention en disant : « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! ». Nous avons bien ri avec les camarades du textile.

Roger Bailleul (Cadres – Région)
« Une majorité…à 50,20 % »
Les cadres CFTC étaient fortement marqués par une certaine Eglise, avec certains cours donnés par des prêtres. Cela me choquait déjà ! En 1964, la grande partie des gens de Roubaix-Tourcoing, et la majorité des cadres étaient contre l’évolution. Un vote a été faite dans toutes les sections… Notre syndicat a choisi la CFDT à 50,20 %. Il y a eu scission…On a perdu 50 % de nos adhérents.

Dieudonné Demolin (Métallurgie – Lille)
« Ajuster l’étiquette au contenu de la bouteille »
J’étais membre du Conseil Fédéral de la Métallurgie avec Eugène Descamps. Je ne sentais pas du tout le besoin d’évoluer, mais j’acceptais cette évolution, car il fallait ajuster l’étiquette au contenu de la bouteille. Le vote du syndicat a donné une majorité pour l’évolution.

Henri Singre (SGEN – Pas-de-Calais)
« Dans le 62, je craignais le pire ! »
La position du SGEN allait de soi, avec militants très attachés à la laïcité, pas seulement à l’école, mais dans la vie publique. Donc c’était tout à fait normal qu’on s’investisse pour que la Confédération s’affranchisse des pressions qui pouvaient encore s’exercer de la part de l’Eglise. A l’UD 62, on ne semblait pas prêt à faire le pas. J’ai été surpris que finalement ça se fasse. Je craignais le pire ! Et si finalement, une majorité s’est dégagée pour l’évolution, c’est grâce à l’attitude de quelques responsables départementaux estimant qu’il fallait se rallier au vote national.

 






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