Le débat sur la mixité des structures au sein de la CFDT …et au fil des congrès
“1976 : un congrès positif pour les travailleuses et les femmes” C’est le sentiment de Jeannette Laot, secrétaire nationale de la CFDT et responsable du secrétariat « travailleuses », après le Congrès d’Annecy en mai 1976. La CFDT s’engage alors à réunir les conditions nécessaires pour une insertion réelle des travailleuses dans toutes les instances de décisions de l’organisation et reprend ainsi une idée chère aux militantes de la commission féminine confédérale de la CFDT.
Toutefois, en dépit de ses nombreux rapports, aucune mesure ne fut prise en ce sens. Pas de quotas ! Cette idée ne fait pas l’unanimité. Pour les uns, c’est un faux semblant, un alibi. Pour d’autres, si le risque d’offrir un moyen d’évacuer le problème est réel, le débat serait révélateur et montrerait les obstacles rencontrés par les travailleuses pour accéder à des responsabilités.
Au-delà du pour ou contre les quotas, ce sont les moyens d’accompagnement à mettre en œuvre et le fonctionnement masculin du syndicalisme qui sont questionnés comme les critères d’accès aux organismes statutaires (langage codé, débats abstraits, trop idéologiques, problèmes des rapports hommes/femmes), la manière de fonctionner des organisations (horaires et durée des réunions, garde des enfants)…
Pour la CFDT, en 1979, « il n’y aura pas de véritable syndicalisme de masse et de classe sans la participation des femmes à tous les niveaux de responsabilité ». De nouveau la question des quotas est posée : est-il possible d’arriver à une mixité réelle des structures sans mesures volontaristes ?
Lors du Congrès de Brest, une procédure exceptionnelle est adoptée. Elle consiste à présenter une déclaration «travailleuses» dans un congrès où le nombre de déléguées femmes en dit long sur l’état de l’organisation : 140 femmes présentes à ce congrès et 1350 hommes.
Nouvelle étape franchie : la CFDT s’engage « à rechercher dès à présent des moyens concrets, y compris par exemple par l’instauration d’un quota dans les instances délibératives pour garantir la présence des travailleuses à tous les niveaux de responsabilité. »
La confédération doit tout d’abord “faire monter” des militantes afin de pouvoir présenter des candidates au Bureau National et à la Commission Exécutive et d’assurer, entre autres, la succession de Jeannette Laot. Seule femme élue à la CE depuis 1970, elle a décidé de quitter la CFDT au congrès de 1982.
Les moyens encadrant le débat sur la mixité des structures sont renforcés (Commission travailleuse, formation syndicale, articles dans la presse confédérale…). La confédération tend donc à une mixité plus grande dans ses propres structures.
Le débat prend de plus en plus d’ampleur. D’autant plus qu’il devient le théâtre d’affrontements liés au recentrage. Ceci conduit la commission travailleuses a rappelé que la mixité des structures confédérales ne doit pas servir pas à régler d’autres problèmes que celui des travailleuses et que son enjeu réel reste bien poursuivi dans toute sa dimension politique jusqu’au prochain congrès.. Et alors que la mixité des structures constitue en 1982 le deuxième thème du Congrès de Metz, c’est dans un climat particulièrement sexiste que s’ouvre la séance consacrée au vote de la résolution : le journal du congrès a publié une caricature montrant une femme hissant son soutien-gorge et son slip en guise de drapeau. En réaction, un texte soutenu par 85 syndicats est diffusé. Après de nombreux débats, une motion est adoptée à 63% imposant la mixité des structures de l’organisation par l’instauration de quotas, notamment au Bureau National : c’est ainsi que Françoise Galloo, de Dunkerque, y siégea aux côtés de Julien Delaby, pour le Nord-Pas de-Calais.
Avec ce congrès, la CFDT devient alors la première organisation syndicale à opter pour des mesures volontaristes ! …et Nicole Notat entre à la Commission Exécutive, suivie depuis par d’autres femmes dont Marguerite Bertrand de Lille et Yvonne Delmotte de Roubaix… jusqu’à ce qu’en 2014 le Congrès décide d’instaurer une Commission Exécutive à stricte parité.
Et aujourd’hui ?
L’instauration des quotas a-t-il joué un rôle important dans la montée en responsabilité des femmes ?
Le constat actuel général est le suivant :
• Près de la moitié des adhérents sont des femmes
• 1/3 des membres des instances nationales (CNC,BN,CE) et des membres des exécutifs des régions et des fédérations professionnelles sont des femmes
• 1/4 des secrétaires généraux de syndicat, d’union régionale et de fédération sont des femmes.Mais il existe de fortes disparités selon les unions régionales et les fédérations professionnelles. La progression est très irrégulière et des régressions sont rapidement observables.
Le pourcentage de femmes dans les exécutifs a baissé dans la moitié des fédérations entre 2088 et 2011 et dans plus de 25 % des unions régionales.Les quotas sont certes nécessaires pour éviter les baisses mais pas suffisants pour entraîner une dynamique plus naturelle…puisque le nombre d’adhérentes est en progression. La CFDT fait donc le choix d’impulser cette dynamique des plans d’actions «Mixité » et un certain volontarisme, à l’instar du Congrès Confédéral 2014 qui a mis en place une Commission Exécutive de 10 membres strictement paritaire (5 hommes, 5 femmes).