La Loi Waldeck-Rousseau de 1884 Elle autorise la mise en place de syndicats en France. En 1893, le pape Léon XIII publie un texte sur la question sociale, condamnant « la misère et la pauvreté (qui pèsent injustement sur la majeure partie de la classe ouvrière) et le socialisme athée, dénonçant les excès du capitalisme et encourageant le syndicalisme chrétien et le catholicisme social». Le patronat catholique, met en place, malgré l’opposition virulente d’un certain nombre de prélats comme l’abbé Six, des syndicats mixtes (dirigés par les patrons).
Mais, sous l’influence «de prêtres démocrates» et de réseaux liés au christianisme social (Le Sillon, les Semaines Sociales, la Démocratie Chrétienne…), des initiatives sont prises dans la région, sous des formes diverses, afin de créer des syndicats professionnels, confessionnels, séparés du patronat et de la CGT (en 1900, c’est la seule organisation de défense des ouvrier dans notre région).
Dans les années 1900, les premiers syndicats indépendants
Le tout premier naît à Roubaix le 9 mai 1893, quelques années après la promulgation de la loi de 1884 autorisant la mise en place de syndicats en France. Un professeur de philosophie, l’abbé Bataille, rencontre, dans les cafés, les ouvriers et discute avec eux des questions sociales. Huit mois plus tard naît le Syndicat des vrais travailleurs, dirigé par le tisserand Florentin Wagnon. Il comptera jusqu’à 1200 adhérents mais disparaitra dans les années 1900. En juillet 1919 est créée l’Union des Syndicats libres de Roubaix-Tourcoing et environs.
En 1896, chez Gartry à Halluin, suite à une grève de 13 semaines (victorieuse) pour l’augmentation de salaires, plusieurs grèves essaiment dans d’autres entreprises du textile (Defretin, Fauchille, Gratry, Lemaire…). Un groupe d’ouvriers se réunit à l’estaminet Saint Sébastien pour fonder un syndicat ouvrier professionnel.
Dans la ville de Tourcoing, naît en 1895 la Fraternité ouvrière de Tourcoing, qui disparaîtra aussi : son créateur, le tisserand Jules Decoopman, subit de telles « tracasseries » de la part des patrons après avoir participé en 1904 à la grève du textile qu’il doit quitter son emploi à l’usine Tiberghien. Car pas question pour les patrons de voir l’existence de « leurs syndicats » contestée par des syndicats socialistes et maintenant par des syndicats chrétiens ! Certains patrons appellent même leurs ouvriers à démissionner …ou à prendre la porte.
A Lille, un ouvrier mécanicien, Fernand Leclercq, fonde dans le même esprit l’Union Syndicale Textile puis l’Union Syndicale Métallurgique qui comptera 1300 adhérents. Fernand Leclercq joue un rôle déterminant dans l’activité de ces syndicats : création d’un journal Le Peuple qui deviendra l’organe des syndicats ouvriers chrétiens, ouverture de la Maison des Ouvriers, projet sur la réduction du temps de travail, la création des caisses de retraites…
Les syndicats féminins sont parmi les tout premiers constitués : en 1909, est créé le syndicat professionnel féminin de l’habillement (dit de l’Abbaye), un syndicat qui comptera 721 adhérentes en 1920 avec 3 sections sur Moulin, Loos et Hellemmes.
En 1912 voit le jour le syndicat professionnel des cheminots d’Hellemmes
Ailleurs aussi dans la région
En 1894, à Dunkerque les Syndicats maritimes, mélangent socialistes et catholiques. Des réunions de marins ont lieu régulièrement et fin 1894, sont créées une coopérative de consommation et une société de secours mutuel. A Boulogne-sur-Mer des réunions de cercle d’études, animées par un tourneur-ajusteur, précèderont la création de syndicats. A Calais, une association regroupant « ouvriers et employés qui refusent les syndicats révolutionnaires » se créée avec pour principale activité le placement (une sorte d’antenne de Pôle Emploi). Elle donnera naissance en 1913 au Syndicat des employés du commerce et de l’industrie, puis de l’Union Locale de Calais.
A Merville, début mars 1901, le président Quilliot du syndicat nouvellement créé déclare : «Soyez uniquement des professionnels, laissez vos opinions politiques à la porte !» L’union ouvrière syndicale du bois et industries similaires de Merville se constitue, ainsi qu’une coopérative de boulangerie (La Prévoyante Mervilloise). A Armentières, les statuts de l’Union Ouvrière Syndicale de l’industrie textile d’Armentières sont déposés en mairie le 26 novembre 1903. Le nombre de tisserants et de filateurs y adhérant ne cesse de croître (1000 puis 2000 en 1914 !)
A Sin-le-Noble, en mars 1894 se crée le Syndicat de la Paix, « séparé des meneurs révolutionnaires et grévistes à outrance ». A Anzin, le Syndicat libre Sainte-Barbe compte 2000 adhérents. En 1914 à Arras démarre le Syndicat des employés, une section du Syndicat des Employés et du Commerce de Paris (le SECI). Après guerre, il sera à l’origine de l’Union Locale d’Arras, fondée le 13 Décembre 1922.
En Décembre 1902, Dombray-Schmitt, originaire de l’Est, fonde à Douai le Syndicat des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais, syndicat indépendant, autour duquel gravitent caisse de chômage, coopératives, société de maisons ouvrières, de jardins ouvriers, conférences populaires. Il prétend regrouper en 1906, 6000 mineurs dans plus de 60 communes. Il participe à la création du syndicat indépendant de Fourmies, et en 1907 à la création du syndicat des tisseurs de Cambrai…
Adhérer et cotiser : déjà les questions !
En 1895, le journal Le Peuple (journal créé par l’Union Démocratique du Nord et les syndicats ) pose la question : “Pourquoi l’ouvrier ne vient pas au syndicat ? La question ouvrière est une question de subsistance, nourriture, vêtement, habitation. Que peut bien apporter un syndicat de tangible et immédiat quand il s’agit de survivre ?“
La cotisation syndicale est pour l’Union des vrais travailleurs de Roubaix de 0,50 f par mois, plus élevée que celle des autres organisations (0,15 f par mois). Mais pour avoir de l’influence, il fallait recruter des adhérents… sans les effaroucher par une cotisation élevée. Et l’ouvrier était « instable et utilitariste »: il adhérait quelques mois dans les périodes difficiles (grèves…) ou pour espérer quelque assistance (maladies, naissances…). Les coopératives, les mutuelles créées par les syndicats servaient aussi à les « fidéliser » et… à remplir leurs caisses.
Après les tâtonnements du début
Dans notre région, l’essor de ce syndicalisme (essentiellement ouvrier) a été long à se dessiner. Au 1er Congrès de l’Union Régionale, les orateurs parlent des « tâtonnements du début, de la nécessité de développer considérablement le syndicat, de recuter.. Quinze ans plus tard, en 1935, le congrès parlera du « magnifique développement des syndicats Libres de la Région du Nord ! »